Ville de Genève : vers des assemblées citoyennes ?
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Démocratiser la démocratie
En mai de l'année dernière, le groupe socialiste déposait au Conseil municipal de la Ville de Genève un projet de délibération visant à mettre sur pied des "assemblées citoyennes pour plus de démocratie dans l’aménagement de la ville" visant à financer la mise en place d’un projet pilote d’assemblée dont la composition serait tirée au sort afin de participer aux prochains plans localisés de quartier prévus en ville de Genève. Ce projet a été voté, en deuxième débat, mercredi après-midi. La droite UDC, MCG, PLR) a réussi à obtenir un troisième débat pour tenter de revenir sur le vote du projet, où elle a vu ce qui n'y était pas. Le temps qui reste avant ce troisième débat lui permettra peut-être de le lire, ce projet, et même de lire le rapport de la commission où il a été traité : savoir de quoi on parle dans un débat, et sur quoi on vote au terme de ce débat, cela, en effet, peut être utile. Elargir la démocratie, en permettant à celles et ceux qui ne disposent pas des droits politiques de peser vraiment sur les décisions politiques : c'est à cela que servent les assemblées citoyennes. A cela, et à rien d'autre : à démocratiser la démocratie.
Ne craignons pas d'élargir, de renforcer, de revivifier un peu la démocratie
Nous ne sommes pas à Paris au printemps 1871, ni à Petrograd entre février et octobre, ou mars et novembre, 1917, ni à Barcelone en 1936, ni dans le Rojava aujourd'hui : nous sommes bien à Genève, en mars 2025 et le projet de délibération socialiste ne renverse pas les institutions de démocratie semi-directe, il les complète, les renforce et les approfondit. Il ne propose pas d'abolir le Conseil municipal, mais de créer une assemblée citoyenne. Ne serait-ce que pour éviter de se retrouver, après avoir accepté un grand projet de construction ou d'aménagement, avec un référendum lancé ou soutenu par des gens, des milieux, des associations qui n'ont pas ou pas assez été entendus, et qui coulent le projet. Il ne propose pas un engagement définitif, mais un projet pilote. Il ne propose pas une dépense pharaonique, mais un crédit de 150'000 francs. En gros, un dixième de pourmille du budget municipal. Tout ce qu'il proposait, cependant, était encore beaucoup trop d'audace pour la droite municipale. Qui y voyait une tentative coupable de priver l'illustre parlement de la Ville de sa légitimité Mais quelle légitimité ?
Même si la commune est à Genève le seul espace politique où la majorité de la population dispose du droit de vote et d'élection, puisque les étrangères et les étrangers en disposent, seule une minorité de cette population en use. Mardi, le taux de participation aux élections municipales, à onze jours du scrutin était de 17 %. Au final, on ne devrait pas être loin des 40 % de participation, ou les atteindre, ce dont on serait plutôt satisfaits. Mais 40 % de participation, c'est quand même 60 % d'abstention. Et 40 % de participation, quand plus de 45 % de la population n'a pas le droit de vote, cela signifie que toutes les conseillères municipales et tous les conseillers municipaux ensemble ne peuvent prétendre représenter qu'un quart de la population de cette ville. Et encore ne serait-ce qu'une prétention injustifiée. Parce que ce parlement municipal,comme le parlement cantonal, comme le Conseil national, est élu à la proportionnelle et que celles et ceux qui les composent ne sont que le représentants ou les représentantes de leur seul électorat et de celui de leurs partis. Seuls celles et ceux qui sont élus à la majoritaire peuvent prétendre représenter, sinon le peuple, du moins l'électorat actif. Nous ne sommes pas en France, où les élus se présentent en représentants du peuple parce qu'ils sont élus au scrutin majoritaire : aucun d'entre nous n'est le représentant ou la représentante du peuple, et nul d'entre nous ne peut faire du Mélenchon et proclamer "je suis la République" ou "je suis la Commune".
Nous sommes à Genève, et nous sommes donc Rousseauistes. Et en bon Rousseauistes, nous savons que le peuple n'est souverain que quand il n'est pas représenté. Et que nous ne le représentons pas, même quand nous prétendons parler en son nom. Et en bon rousseauistes d'aujourd'hui, et non du XVIIIe siècle, nous savons que le peuple ne se réduit pas à celles et ceux qui disposent des droits politiques institutionnels. Que le peuple de la Ville, ce sont tous les habitants de la Ville. Celles et ceux qui votent, celles et ceux qui ne votent pas, celles et ceux qui n'ont pas le droit de vote. Les citoyennes et les citoyens, les natives et les natifs, les étrangères et les étrangers, les majeurs et les mineurs.
Alors, faisons un peu confiance aux habitantes et habitants de cette ville. A toutes et tous d'entre elles et eux. Ne craignons pas d'élargir un peu, de renforcer un peu, de revivifier un peu la démocratie elle-même. Personne n'y perdra rien, ni en pouvoir, ni en légitimité. Et la Ville de Genève sera tout simplement la Ville d'un peu plus de celles et ceux qui y habitent.